Le début d'une vie
J'ai vu le jour en 1963 dans une famille modeste.
Trois enfants composaient déjà cette famille, l'arrivée d'un autre enfant n'était pas désirée, mais pour mon malheur où le leur, nous sommes venues à deux.
Le cauchemar ne c'est pas arrêté là, ma sœur jumelle est née avec un lourd handicap.
Pour ma part, j'ai eu la malchance d'être en bonne santé.
Si j'utilise le terme de "malchance" cela peut être choquant, mais c'est comme cela que je l'ai vécu.
J'ai compris assez rapidement que non seulement j'avais été un accident, mais également la responsable de l'handicap de ma moitié.
Celle qui a tout alors que l'autre n'a rien, celle qui peut voir alors que l'autre est aveugle, celle qui peut courir alors que l'autre peut à peine tenir debout, celle qui peut manipuler des objets alors que l'autre ne sait même pas manger seule.
Il fallait un coupable c'était tout trouvé.
Elle m'a volé l'amour, la tendresse, l'attention de mes parents, de mecs frères, de ma sœur ainée mais également de tout notre entourage.
Elle m'a volé mon enfance, j'ai du grandir très vite et être autonome pour ne pas être prise pour une charge supplémentaire, ne pas me plaindre de quel droit!
Quand il m'arrivais de jouer avec les enfants du quartier, on me rappelait parce qu'elle avait envie que je joue avec elle, le comble, on jouait à bataille, jeu de carte sans intérêt puisqu'elle ne pouvait pas les voir, faire semblant la laisser gagner, encore et encore, alors que j'entendais au loin les rires de mes amis.
J'ai cacher ces grands moments de solitude, de colère, de rage.
Combien j'ai pu lui en vouloir!!!
Je n'étais qu'une enfant, et ces adultes que sont censés être mes parents pourquoi m'infligeaient ils une telle torture?
A l'âge de quatre ans, j'ai souffert de migraine, quelle aubaine, j'imaginais avoir une tumeur au cerveau ou autre pathologie grave qui allait déclencher un sentiment d'existence au sein de la famille.
Le diagnostic fut migraine héréditaire, seul cadeau reçu en héritage, et grande déception dans mon petit cœur.
Les choses n'ont fait qu'empirées, à treize ans ma sœur aînée a développée un cancer des ganglions.
Cette période fut trouble.
J'ai le souvenir des long silences des parents quand ils rentraient de l'hôpital.
Cette sensation de devoir retenir son souffle afin de ne pas montrer sa présence.
Surtout, passer inaperçue, j'avais déjà un don pour cela.
Quand elle a pu regagner le domicile, j'en avais peur, elle n'était plus celle de mes souvenirs, elle était frêle, la peau sur les os, plus de cheveux, et un regard vide.
Après chaque chimio, mon père rentrait en la portant dans ses bras, elle semblait encore plus affaiblie.
Nous savions que pendant les deux jours suivant, elle vomirait tout ce qu'elle serait capable d'avaler.
J'essayais malgré mon jeune âge d'être utile d'être une "grande" face à ce nouveau coup du sort.
Je me disais qu'un jour, quand tout ira mieux, ils s'apercevront de ma présence.
Mais les années ont passées et le sort a continué à s'acharner.
Je suis devenue une rebelle!
La bête noire de la famille, bien que j'étais assez douée pour les études, je n'ai plus rien fait de bon, je faisais l'école buissonnière, je me suis mise à boire alors que j'étais mineure, je sortais et ne rentrais qu'à l'aube, j'avais des fréquentations peu recommandables.
Je jouais la provocation!
J'exprimais mon mal de vivre, j'espérais une punition, une gifle, ou autres manifestations même brutales.
J'ai eu le droit à une indifférence totale, voir une certaine satisfaction de leur part quand je n'étais pas présente à domicile.
J'ai sombré dans une forme d'anorexie, pas par coquetterie mais manger n'étais pas une priorité plutôt une perte de temps.
Puis ce fut la fuite, partir loin, très loin de cet enfer.
La fugue fut ma décision, après l'euphorie des premières heures, je fut prise d'un sentiment de lassitude, malgré la distance qui me séparait d'eux, la douleur était omniprésente.
Je fut arrêtée par la gendarmerie car un avis de recherche avait été lancé.
J'étais dubitative, pourquoi????
L'explication me fut donnée par ma mère dès mon retour au bercail.
Comme je n'allais plus à l'école ils allaient perdre les allocations familiales, quelle belle preuve d'amour venant d'une maman.
Je ne voyais plus d'issue, j'étais fatiguée de cette vie, je n'avais qu'une envie dormir longtemps une éternité.
Un matin , comme je commençais plus tard à l'école, je me suis retrouvée seule à la maison, et là je me suis dit stop!
Je me suis rendue dans la salle de bain, j'ai ouvre l'armoire à pharmacie et j'ai avalé comprimés sur comprimés, il me semblais que le goût était agréable, tellement j'avais espoir de leur pouvoir, j'allais pouvoir enfin m'évader.
Je n'avais aucune envie de mourir, comment aurais je pu puisque je n'avais jamais existé?
Juste envie de mettre sur pause pour un temps indéfinissable.
Mais la vie en a décidée autrement, je fut "sauvée" je dirais plutôt remise sur le ring.
Je repris connaissance à l'hôpital, questionnement sur les faits, sur ma maigreur, simplement sur mon moi.
Que dire, comment exprimer ce qui m'a toujours été interdit.
Ne pas se plaindre, être forte et silencieuse, être transparente.
Comment fait on pour parler de soi quand le "soi" n'a jamais pu voir le jour?
Nouveaux tourments en perspectives !
Hospitalisation, traitements divers, psychologues, psychiatres, thérapies, alors que je ne m'étais pas encore trouvée je me perdais de nouveau.
Grand trou noir dans ma tête, seul le souvenir d'une demande de ma part envers ma mère.
Ayant été contactée par le service dans lequel je me trouvais, afin qu'elle m'apporte des vêtements et autres nécessaires de toilette, elle fit irruption dans ma chambre.
J'étais à peine consciente vu la dose de médoc si gentiment prescrit par le médecin, j'ai quand même eu un sursaut, de joie? De peur? Je n'en connaitrait jamais la réponse.
Elle était en colère, je pouvais voir dans ses yeux ce mépris, puissant en moi mes dernières forces, je lui dis que je suis désolée pour les problèmes causés, elle me demande ce que je veux, ce que je cherche, et pour la première fois je m'exprime, je lui demande d'une toute petite voix que je n'ai pas reconnue, cette voix d'un enfant, de me prendre dans ses bras.
Elle m'a regardé comme si j'étais un extraterrestre, et m'a répondu qu'elle n'avait jamais su le faire et qu'elle ne saurait jamais le faire, le sujet était clos.
J'avais pu après tout ce temps faire ma demande, celle que j'avais essayé de faire comprendre par diverses manières sans y parvenir, enfin j'avais la réponse tant attendue.
A moi de faire le choix de ma propre vie, pas la vie familiale, la normalité, non celle de mon avenir.
A l'âge de l'adolescence, je devais prendre mon avenir en main.
Deux choix s'offraient à moi, où je continuais à d'autodétruire, où je leur prouvais que même si j'étais un accident, la coupable de l'handicap de ma jumelle, que je n'avais pas souffert du cancer, que mon seul malheur était être en bonne santé, j'allais réussir ma vie.
Sans leur amour, j'allais me construire, la haine, la colère, l'injustice, toutes ces émotions négatives allaient devenir ma force.
Je n'allais pas les laisser triompher!
J'allais leur démontrer que sur cette terre j'y ai aussi ma place que ça leur plaise ou non.
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